09 janvier 2015

Profanation de la stèle Manouchian à Marseille : deux militants d’extrême droite condamnés

 


Le tribunal correctionnel de Marseille les a condamnés à 100 heures de travail d’intérêt général, vendredi 9 janvier. Les associations "La Jeunesse Arménienne de France" et "Résister Aujourd'hui" s'étaient constituées parties civiles.

Deux militants d’un groupuscule d’extrême droite ont été condamnés, vendredi 9 janvier, à 100 heures de travail d’intérêt général pour la profanation d’une stèle édifiée à la mémoire du poète et militant communiste Missak Manouchian à Marseille. Devant le tribunal correctionnel, David Guichard, 42 ans, gardien d’immeuble, et Olivier Bianciotto, 30 ans, chef d’équipe en sécurité incendie, ont reconnu leur participation, le 6 septembre 2014, à une « action pour le devoir et contre les terroristes rouges ».

Ils avaient recouvert d’un drap blanc le buste érigé en surplomb du Vieux-Port à la mémoire du résistant d’origine arménienne. La manifestation était organisée par le Mouvement populaire nouvelle aurore (MPNA), un groupe non déclaré, créé dans les premiers mois de 2014 à Marseille et rassemblant une dizaine de personnes, selon les services spécialisés.

La mise en ligne sur le site Internet du MPNA d’une vidéo de six minutes filmée lors de la profanation avait scandalisé la communauté arménienne marseillaise pour laquelle le jardin Missak Manouchian constitue un lieu de mémoire et rappelle que le résistant, membre des FTP-MOI était, comme de très nombreux arméniens, arrivé en France par Marseille. Sur cette vidéo, les militants d’extrême droite décrivent Missak Manouchian comme « un terroriste communiste, tueur de Français ». On entend un militant vociférer : « Manouchian, grosse merde, on ne veut pas de ça à Marseille. »

« Me rapprocher d’un groupe partageant mes idées »

La présence de son numéro de téléphone à l’onglet « Contact militant » sur le site du MPNA avait rapidement permis l’identification d’Olivier Bianciotto puis de son ami David Guichard. A l’audience, les deux prévenus ont contesté leur appartenance à ce groupuscule et prétendu avoir assisté à cette manifestation par simple curiosité, sans jamais avoir entendu parler de Missak Manouchian. « Si j’avais su la portée que cela avait, je me serais bien gardé d’y aller », a expliqué Olivier Bianciotto, adhérent jusqu’à sa dissolution en juillet 2013 des Jeunesses nationalistes. « Depuis, j’étais un peu isolé, c’est pour ça que je cherchais à me rapprocher d’un groupe partageant mes idées. »

Le prévenu a présenté ses excuses à la communauté arménienne tout en se plaignant d’être un « animal traqué » par les militants antifacistes marseillais. « Ce milieu, quand vous mettez un pied, vous n’en sortez plus. Les nationalistes vous traitent de traître et les antifas me réservent un traitement particulier : menaces, agressions, tags sur mon domicile. »

« C’est le procès de la bêtise et c’est cela qui fait peur »

Condamné à plusieurs reprises pour des violences et ports d’arme, David Guichard justifie participation à la profanation « pour voir qui étaient ces gens-là afin de ne pas rester seul ». En septembre 2014, il avait été sanctionné d’un rappel à la loi pour apologie de la haine, après la diffusion sur Internet d’une photo le montrant en train de faire le salut nazi. Il a présenté ses « sincères regrets » et précisé que sa compagne, d’origine arménienne, avait qualifié de « débile » sa participation à cette manifestation.

« C’est le procès de la bêtise et c’est cela qui fait peur », a estimé la procureure Anne Lezer qui a requis un travail d’intérêt général « en lien avec ce qu’ils ont commis ». Bêtise aussi dans la bouche de MAlain Lhote, avocat de l’association « Résister Aujourd’hui », partie civile. « A ces pantins de la bêtise absolue, à ces lâches qui ne connaissent rien à notre histoire et nous offrent un spectacle indigne, il faut dire : “Je suis Missak Manouchian” », a lancé l’avocat avant de lire L’Affiche Rouge d’Aragon.

Mais pour l’association Jeunesse arménienne de France, représentée par MSerge Tavitian, « l’ignorance n’a jamais été une excuse ni une atténuation de responsabilité ». L’avocat a « refusé les excuses » des prévenus car « vos actes vous ne les assumez pas ». Le tribunal a fixé à deux mois d’emprisonnement la peine qui s’appliquerait en cas de non-exécution dans un délai de dix-huit mois du travail d’intérêt général. 

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