« Résister ne suffira pas pour construire un avenir meilleur »
déclarait Didier Magnin, président de CRHA lors du rassemblement au Plateau des
Glières le 16 mai 2010.
Il poursuivait : « Il s’agit aujourd’hui d’appeler à un projet de société,
d’appeler les mouvements, les associations, les institutions, les syndicats,
les partis politiques, comme l’ont fait les 13 résistants en mars 2004, à
constituer un programme politique, économique et social du 21e siècle, reprenant les principes du CNR
en les adaptant à notre époque, en prenant en compte les problématiques
écologiques et environnementales.
Il s’agit de proposer des pistes de réflexion, d’union et d’action. »
Le plan d’action immédiate :
Depuis la première édition du livre « Les jours heureux », notre
association a décidé non seulement de poursuivre l’organisation des
rassemblements citoyens au Plateau des Glières chaque année – y compris après
les présidentielles de 2012 – mais encore de lancer une nouvelle initiative
selon deux axes :
§
engager un travail de réflexion pour :
approfondir les questions
fondamentales de ce à quoi il est urgent de résister, de ceux à qui il nous
faut résister, de comment ces résistances peuvent se coordonner et même s’unir
(comme avec le CNR)
appeler à la rédaction d’un projet et
débroussailler le terrain de cette rédaction,
appeler aux contributions
individuelles des citoyens au travers du réseau,
engager des concertations voire des
coordinations avec les très nombreuses organisations de résistance
d’aujourd’hui.
§
lancer le « Réseau Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui »
D’abord pour répondre aux nombreuses demandes d’adhésion que nous recevons ;
mais surtout pour contribuer au développement des résistances d’aujourd’hui et
à leur concertation voire leur union par la diffusion des informations et
réflexions sur « la stratégie » de ces résistances.
Cela se concrétise notamment par l’ouverture du site Internet
http://www.citoyens-resistants.fr/
dont le but est d’assurer la fonction permanente de « forum » des résistances
d’aujourd’hui.
Cela se concrétise aussi par un mouvement de collectifs
départementaux ou locaux constitués autour d’une charte analogue à celle qui
définit les rassemblements citoyens des Glières.
D’ores et déjà les correspondants locaux de ces groupes assurent le lien avec
les autres groupes du réseau et avec les représentants locaux des autres
organisations qui animent les résistances d’aujourd’hui et contribuent au
travail de réflexion, notamment sur le projet de société du 21e siècle.
La légitimité
Nous avons conscience de l’ambition que représente une telle
entreprise, qui paraît dans le contexte d’aujourd’hui aussi peu réaliste que
l’était… la création du CNR dans le contexte de l’occupation et du régime de
Vichy, le 27 mai 1943…
Aussi avons-nous toujours en tête ce que déclarait Stéphane Hessel
le 4 mai 2008 au micro de Gilles Perret, auteur du film « Walter, retour en
résistance » :
« Puisque nous avons réussi à surmonter quelque chose qui paraissait très lourd
– le nazisme, le fascisme ça paraissait extraordinairement lourd – eh bien ça
veut dire qu’on peut surmonter !
Et que s’il y a aujourd’hui des obstacles de même nature, et peut-être même
plus lourds, il n’y a aucune raison pour qu’on n’arrive pas à les surmonter.
Il suffit qu’il y ait une minorité active solide ; des jeunes qui en veulent,
qui considèrent que l’engagement ça signifie quelque chose, et qu’ils ont une
responsabilité. Eh bien ils n’ont pas besoin d’être majoritaires, il suffit
qu’ils soient le levain qui fait monter la pâte et à ce moment nous aurons une
France résistante. »
Nous n’oublions pas non plus ce que déclarait Raymond Aubrac au
Plateau des Glières le 17 mai 2009, lors du rassemblement « Paroles de
résistance » :
« Nous avons besoin non seulement d’un programme commun, mais aussi de projets
communs. Voilà une des grandes lacunes de notre temps, et de notre pays. Nous
ne savons pas vers quoi nous allons, dans un monde de plus en plus complexe. Il
nous faut ces projets, par respect pour ceux qui se sont battus pour élaborer
cette promesse d’avenir. Il nous faut aussi cet optimisme que partageaient tous
les Résistants, sans exception, et qui les persuadait d’être, à travers tant de
dangers, avançant vers leur but : plus de liberté, plus d’égalité, plus de
fraternité. »
Et il faut aussi rappeler que ce sont des myriades de petites
actions de résistance qui ont fait dire au général Eisenhower que la Résistance
française avait représenté « l’équivalent en hommes de 15 divisions
d’infanterie et grâce à son assistance, la rapidité de notre avance en France
en fut grandement facilitée. »
Notre ambition est d’être un de ces nœuds du réseau des résistances…
L’action
Lorsqu’on parle de l’actualité de la résistance on déclare habituellement
que le contexte n’est pas le même qu’en 1940-44 (la débâcle, l’occupation, le
régime de Vichy) et que, par conséquent la résistance ne prend pas la même
forme.
Par contre une erreur courante est de dénier la légitimité des résistances
d’aujourd’hui ou d’en déclarer la « valeur » incomparable voire infime par
rapport au « sacrifice » de nos aînés.
Certains en arrivent même à penser que la partie « plan d’action immédiate » du
programme de 44 est totalement hors de propos aujourd’hui.
Au contraire et dans la perspective de ce projet de société du 21e siècle, il nous apparaît nécessaire et
urgent d’engager la conception d’un plan d’action immédiate de la résistance
d’aujourd’hui, autant pour permettre d’éviter les amalgames avec le passé, que
pour asseoir la légitimité des actions de résistance actuelles.
Il s’agit notamment d’analyser, dans la situation politique économique et
sociale d’aujourd’hui, ce qui motive la résistance d’aujourd’hui ; pour cela
reprendre les éléments contenus dans l’intervention de Serge Portelli le 16 mai
2010 à Glières :
« Aujourd’hui, le constat que nous faisons tant et tous, c’est que nous ne
sommes plus dans une démocratie. Nous ne sommes pas non plus encore dans un
état autoritaire. Nous sommes ce que j’appellerai un état limite ».
Les résistances d’aujourd’hui montrent aussi qu’il ne suffit plus
de défendre les « acquis » du C.N.R., il s’agit de défendre – y compris
physiquement – les victimes de l’oppression (sans papiers, sans logement, sans
travail…) et de passer à l’offensive en proposant une perspective politique.
Cela veut dire qu’il ne suffit pas d’attendre une échéance
électorale – et encore moins « un(e) sauveur(e) suprême » – pour se mettre en
mouvement : c’est le sens des rassemblements à Glières.
L’attente est d’autant plus grande que le désenchantement par rapport à
l’action politique partisane gagne la majorité de la population.
Il est clair que nous appelons à refonder la citoyenneté républicaine et à
lutter contre l’idéologie dominante qui détruit la citoyenneté en formatant une
masse de consommateurs, qui développe l’individualisme et la lutte de tous
contre tous. Il s’agit de lancer un véritable « mouvement d’éducation populaire
».
Il s’agit tout simplement de faire en sorte que les citoyens fassent… de la politique
! Car ceux qui se cantonnent à « l’apolitisme » redeviennent des… sujets.
L’appel de 2004 parlait d’une « véritable insurrection pacifique »
; nous ajoutons « l’insurrection de la conscience républicaine » et reprenons
les termes de « désobéissance civile » et même de « désobéissance éthique ».
L’organisation
Le plan d’action immédiate de 1944 présentait tout un volet
organisation qui prévoyait essentiellement les « comités de libération »
partout en France, destinés à « faire participer de façon effective tous les
français à la lutte contre l’ennemi ».
Là encore certains estiment qu’étant donné que nous ne sommes pas dans les
conditions de l’occupation et de la résistance dans la clandestinité, ce
dispositif n’aurait plus cours.
Au contraire, car aujourd’hui il ne s’agit pas seulement d’appeler mouvements,
partis, syndicats à s’engager à élaborer un programme, il s’agit aussi et
surtout d’appeler tous les citoyens à prendre en main leur (notre) propre
destin – voir la Tunisie – par des moyens pacifiques même s’ils ne sont pas
reconnus comme légaux par les pouvoirs en place ; et donc de contribuer
eux-mêmes à la rédaction de ce « projet de société du 21e siècle ».
Déjà des initiatives types « cahiers de doléances » sont lancées, elles doivent
déboucher sur des « cahiers de revendications ». C’est le sens profond de ce «
réseau » que nous souhaitons contribuer à développer.
Le projet de société
Pour faire que cette « utopie réaliste au 21e siècle » devienne un but accessible
comme l’a été le programme du CNR le 15 mars 1944, nous proposons d’élaborer
simultanément au plan d’action immédiate, les grandes orientations de ce projet
selon trois axes :
1- Reconstituer toutes les institutions créées à la Libération en
application du programme du CNR, diminuées voire démantelées depuis, et abroger
les mesures – gouvernementales ou législatives – qui correspondent à des lois
de honte et d’usurpation. Cela touche aussi bien les domaines économiques
(privatisations – démantèlement des services publics), sociaux (sécurité
sociale, retraites) que l’indépendance de la presse, celle de la justice, le
droit des étrangers etc.
2- Refonder la République :
réaffirmer l’attachement du peuple
français à la « République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »
(article 1er de la
constitution actuelle).
réexaminer la forme républicaine du
gouvernement : séparation des pouvoirs et lutte contre le pouvoir personnel ;
démocratie parlementaire plutôt que régime présidentiel.
affirmer que l’élection des
représentant(e)s du peuple à tous les niveaux devrait être assortie des
conditions suivantes : mandat impératif, révocabilité par référendum, scrutin
proportionnel, non cumul des mandats. Dans le même mouvement remettre en cause
l’élection du président de la république au suffrage universel.
créer une nouvelle conception de la
démocratie dans laquelle l’action de la société civile sera reconnue et d’une
manière générale créer les conditions du principe défini à l’actuel article 2 :
« gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
revendiquer la convocation d’une
Assemblée Nationale Constituante pour parachever ce travail.
3- Reconstruire la société
En s’appuyant sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée en
1948 qui déclare : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente
à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix
dans le monde. »
En réaffirmant le droit à la résistance à l’oppression comme «
droit naturel et imprescriptible » de tous les citoyens (article 2 de la
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen adoptée le 26 août 1789, annexé
à la Constitution de 1958).
En refusant l’actuelle dictature internationale des marchés
financiers qui menace la paix et la démocratie. En refusant toute «
marchandisation » de la personne humaine et de ses activités.
En réaffirmant les principes développés dans le programme du CNR,
toujours d’actualité, notamment : « instauration d’une véritable démocratie
économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques
et financières de la direction de l’économie ».
En mettant en œuvre touts les mesures économiques, financières,
sociales et institutionnelles qui en découlent.
En considérant les services publics comme biens communs
inaliénables et comme composante de la république. En définissant les
prescriptions morales qui découlent de ce statut et qui engagent autant les
citoyens que les agents de l’état
En mettant les préoccupations écologiques au cœur de la vie
sociale, économique et politique :
En affirmant la responsabilité de la collectivité humaine vis-à-vis du devenir
de la planète et des générations à venir.
En déclarant les ressources naturelles patrimoine inaliénable non soumis à
marchandisation. En révisant le droit de propriété des sols dans une
perspective de droit d’usage.
En développant le concept d’une éthique de la production des biens et des
services dans la suite de l’alinéa de 1944 qui prévoit « une organisation
rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à
l’intérêt général ».
En abordant toutes les questions d’environnement (gestion et traitement des
déchets – y compris nucléaires, OGM, nanotechnologies, etc.) dans le cadre du
développement de la démocratie à tous les niveaux de la société et notamment
dans la production (usagers et producteurs).
En affirmant que l’orientation de la République Française est à la
fois internationaliste et altermondialiste.
En refusant les théories du « libre-échange » organisé par l’OMC et de la «
concurrence libre et non faussée » qui fonde les traités européens. En refusant
la dictature financière exercée par le FMI.
En engageant le futur gouvernement de la République refondée à mener une
politique de paix en général (y compris de désarmement) et de réforme de l’ONU
allant dans le sens des solidarités internationales.
Mars 2011