Intervention de Michel Vial au nom de ''Résister Aujourd'hui"
Nous sommes réunis, aujourd’hui 5 mai 2001, à Bruxelles au moment où les idées racistes et xénophobes semblent s’installer durablement en France et en Europe
Adhérents depuis 1999 au FAFE nous assistons pour la première fois à une réunion du Front.
Avant de travailler ensemble il est nécessaire de se connaître et je vais, pour cela, vous présenter rapidement notre association. En ce faisant je tenterais de vous faire part de nos analyses.
Dès 1985, à l’initiative d’anciens Résistants, une association ‘’les cadets de la Résistance d’Auvergne’’ fut créée, afin de perpétuer la mémoire et être vigilants contre toutes les résurgences néonazies qui apparaissaient à l’époque.
La même association fut créée en 1994 dans la région Provence Alpes Côte d’Azur où le pseudo front national de Le Pen semblait le plus dangereux.
Cette création a été placée sous le parrainage d’éminentes personnalités de la Résistance et de la Déportation de tous horizons politiques ou confessionnels:
Nous avons marqué notre volonté de Résister Aujourd’hui en nous appuyant sur la mémoire vécue de la Résistance et de la Déportation.
C’est pour cela que nous nous appelons dorénavant ‘’ Résister Aujourd’hui’’ terme plus mobilisateur. Ayant des adhérents dans plus de 50 départements nous sommes devenus une association nationale, un des maillons incontournables de la lutte contre les extrême droites.
L’année 2000 a connu la dissolution de nombreuses associations d’anciens résistants et Déportés.
Notre responsabilité, celle des nouvelles générations n’a jamais été aussi grande.
Nous avons appris de nos aînés que c’est dans les mouvements unis de la Résistance et au sein du Conseil National de la Résistance créé par Jean Moulin que la Résistance trouva sa légitimité et lui permit, au çôté des alliés de libérer la France et l’Europe de l’Hydre fasciste.
C’est aujourd’hui dans le dialogue et l’union la plus large des nouvelles générations et de toutes leurs associations, mouvements, syndicats et partis de tout horizons que nous agirons efficacement contre le négationnisme, les idées d’intolérance et de rejet..
C’est dans cet esprit de recherche de dialogue et d’union dans l’action qu’en France, nous nous sommes rapprochés récemment d’autres associations et que nous avons lancé un appel à tous les partis et candidats démocrates aux dernières élections.
Echanger, s’enrichir réciproquement afin de mieux comprendre le processus qui a amené un Peuple à suivre Hitler
mieux comprendre aussi les différents processus qui ont amené depuis la guerre de nombreux groupes et partis populiste et néofascistes à émerger notamment en Europe..
Mieux savoir aussi, agir contre les poussées nationales populistes actuelles.
Pour les mêmes raisons nous avons adhérer au FAFE afin de conjuguer nos efforts sur le plan européen.
Quelles sont nos activités….. sommairement :
¤ Nous participons chaque année aux nombreuses commémorations de la Résistance et de la Déportation, deux exemples :
· Monument national de la Résistance au Mont Mouchet en Auvergne au cœur du plus grand maquis de France.
· Site mémorial du camp des Milles où 1928 juifs dont 23 enfants furent livrés par la police française de Vichy aux nazis qui les déportèrent à Auschwitz.
Nous incitons le maximum d’enseignants à faire participer leurs élèves, plus de 50000 y participent chaque année.
en 2000, le thème était :
« . Les camps de concentration et d’extermination firent partie intégrante du système totalitaire nazi : quelles furent les causes, le fonctionnement et les conséquences de ce phénomène concentrationnaire »
Cette année le thème était :
« Née des réactions spontanées et éparses, d’engagements divers, la Résistance Française a évolué suivant des formes multiples et s’est unifiée autour de valeurs communes afin de libérer le territoire. Suivant les ressources dont vous disposez localement, vous montrerez comment la France Libre et les Résistants de l’intérieur se sont organisés pour aboutir à la victoire »
Cette conférence se déroulait sur le thème de l’armée et de l’extrême droite. Nous dénoncions la suppression de la conscription citoyenne.
Au moment où les idées véhiculées par l’extrême droite et soutenues tacitement par une partie de la classe politique, ressurgissent, il faut apprendre à la jeunesse l’esprit civique, le sens de la citoyenneté et la tolérance. Cette tolérance s’apprend dans le brassage des individus, des cultures et des mentalités. La conscription, comme l’école, est un des rares moyens de brassage et d’intégration au moment où la fracture sociale, prétendument raciale, continue de s’aggraver. Nous demandions que cette conscription égalitaire et citoyenne (2à 3 mois minimum) soit encadrée par des officiers ayant reçu eux-mêmes une éducation républicaine nécessaire et suffisante.
¤ Nous avons organisé une ‘’table ronde’’ à laquelle participaient des responsables d’associations, de mouvements antiracistes, de mouvements antifascistes et de syndicats., sur le thème :
· « Pourquoi et comment résister aujourd’hui ? »
¤ Nous organisons de nombreuses manifestations chaque fois que Le Pen ou Mégret viennent cracher leur venin et leur haine de l’autre.
Or le FN n’avait jamais été accusé d’être l’auteur de la profanation mais d’avoir créé un climat de haine, de racisme et d’antisémitisme. Nous savons que ce climat conduit toujours au pire , l’histoire nous le rappelle.
Les auteurs de cette profanation retrouvés et condamnés avaient bien été inspirés par les écrits et les discours du FN.
En nous
appuyant sur les valeurs de la Résistance (que ni la gauche, ni la droite ne
renient ) et sur notre comité de parrainage, nous avons pu, en 1998 puis en
2001, lancé un appel solennel à tous les partis et candidats démocrates aux élections
au nom de la mémoire, au nom des valeurs de tolérance, de justice et de liberté
pour lesquelles nos anciens se sont battus, très souvent au péril de leur vie.
Nous rappelions que nous nous étions
donnés pour mission de préserver la
mémoire de la Résistance et de la Déportation et de veiller à ce que soient
prises en compte aujourd’hui les terribles leçons de notre Histoire nationale
et européenne.
C’est au nom de
ces mêmes leçons et de ces valeurs que nous nous sommes clairement engagés
contre les risques que l’extrême droite fait courir à l’honneur et à
l’équilibre démocratique de notre pays, en jouant sur les peurs, sur les
indifférences et sur certains petits calculs politiciens. Notre vigilance,
disions-nous, est aujourd’hui accrue sur les comportements de quelques hommes
et femmes politiques ou de partis prêts à faciliter ou à laisser faire la
banalisation de l’extrême droite et de ses idées de haine, notamment par le
jeu d’alliances électorales ouvertes ou cachées, mais aussi de retraits voire
de désistements suscités ou acceptés.
Nous n’oublions
pas que ce sont de multiples ‘’ jeux tactiques et politiciens’’ qui ont permis
à l’extrême droite de se développer et, qu’au contraire c’est le ‘’cordon
sanitaire républicain’’ autour d’elle et le refus de la banalisation qui l’ont
isolée et fait éclater. L’extrême droite est certes aujourd’hui affaiblie, mais
elle a retenu certaines leçons et fait ‘’profil bas’’. Nous ne nous laissons
pas abuser par cette situation sachant que les facteurs idéologiques ont peu
changé (sentiment d’insécurité et perte de repères). Le ‘’cycle’’ de son
développement peut se reproduire si de nouveaux ‘’jeux’’ politiciens le
permettent. Plusieurs exemples européens le confirment aujourd’hui. (Nous
sommes à cet égard très inquiet de la situation en Italie)
Ce courrier largement diffusé par lettre personnelle aux dirigeants, par fax et internet également. Nous avons reçu de nombreuses réponses notamment par Internet de militants et d’élus de base de tous horizons.
Seulement trois réponses de responsable à envergure nationale :
Philippe Seguin RPR ( Gaulliste)
Nicole Borvo PCF
et Anne-marie Idrac nouvelle UDF ( centre droit)
Sur le terrain, les prises de position n’ont pas été nettes de partout, loin s’en faut.
Un exemple, à Vitrolles, fief de Megret, place symbolique pour les extrême-droites mais aussi, bien entendu, bastion à prendre pour les antifascistes. On aurait pu croire à l’union naturelle au second tour de tous les candidats démocrates sur un programme minimum.
Or, Catherine Mégret est élue avec 45% contre 44% à la gauche et 10% à la droite.
Cette alliance républicaine s’était pourtant réalisée en 1995 à St Gilles dans le Gard chassant le maire FN de l’époque.
Catherine Mégret aurait aussi été chassée par un tel reflex républicain.
A Lyon, par ailleurs, c’est la position intransigeante de plusieurs élus de droite et la saine réaction des électeurs qui ont permis de battre Charles Million condamnant ainsi une seconde fois son alliance sans ambiguïté avec le Front National aux élections régionales de 1998.
Malgré ses divisions, l’extrême droite conserve ses bastions :
Orange 60% au 1er tour
Marignane 62% au second tour
Vitrolles 45% au second tour
Dans de nombreuses villes le FN et le MNR obtiennent aux municipales ou aux cantonales des scores inquiétants dépassant les 33%.
Aux élections municipales, élection générale donc plus significative, l’extrême droite passe de 15 à 10% ce qui représente une phase de recul.
Nous devons tirer une leçon positive de nos actions mais ’’ la bête’’ n’est pas morte.
Megret a cassé avec Le Pen pour ne plus être diabolisé. Il veut apparaître comme démocrate pour tenter de s’unir avec une partie de la droite et tel un ‘’enzyme glouton’’ la dévorer reproduisant un schéma historique connu.
Son racisme, son antisémitisme, plus intelligents, sont plus insidieux que ceux de Le Pen donc plus dangereux. A ces élections nous avons assisté à de nombreux rapprochements plus ou moins tacites avec des candidats de droite.
Il faut continuer à diaboliser aussi bien Mégret que Le Pen. Il faut continuer à dire haut et fort que ce sont des nazis, que ce sont des fachos. Nous savons que le SIDA de l’extrême droite passera par la droite ou non. Il faut donc vacciner la droite. Mais aussi mettre en garde toutes les composantes de la gauche contre cette montée insidieuse, contre les jeux politiciens, contre des pratiques ou des discours qui peuvent contribuer à légitimer les actions de l’extrême droite. ( notamment des discours empreints de démagogie sécuritaire )
La montée de l’absentionisme qui témoigne du désenchantement de la société notamment des ouvriers et des jeunes.
Le vote ouvrier ( encore 28% de l’électorat ) place encore l’extrême droite en tête. Les couches sociales les plus touchées par la précarité, le chômage, les contrats à temps partiel et la mondialisation ( fermeture d’usines, etc….) supportent mal d’être encore victimes de l’insécurité au quotidien et s’accrochent aux slogans populistes de l’E.D.
Les jeunes ( 21% de l’électorat ) s’abstiennent à 60%. Ils sont pourtant, à grande majorité antiracistes, humanistes mais ne trouvent pas dans les partis de réponses à leurs problèmes, ni aucune perspective d’avenir.
C’est en direction de ces deux électorats qu’il faut cibler nos efforts et inciter les syndicats, mouvements et partis à en faire autant.
Il faut tout faire pour que la citoyenneté, la participation de chacun remplacent le suivisme ou le désintéressement.
La mondialisation est inéluctable mais elle est un outil dangereux si ce ne sont pas les citoyens qui la bâtissent .
Quant aux jeunes, il faut tout faire pour qu’ils se sentent concernés. Intervenir, provoquer le dialogue et la réflexion à l’école et dans les lieux qu’ils fréquentent ( MJC, Médiathèques etc…). Il faut les inciter et les aider à créer des sites Internet ou des pages Web pour contrer les sites néonazis. Il y en aurait près de 8000 en 2001 dans le monde.
Quant on trouve le site de ‘’Nation’’ fiers d’avoir rassemblé 30 militants le 10 février à Namur sur le thème ‘’Faux réfugiés dehors’’. Nous, antifascistes, sommes capables de rassembler ponctuellement des milliers, voir des dizaines ou des centaines de milliers de démocrates et nous laissons la toile du net envahie par des nazillons de petite envergure.
Ces sites néonazis touchent, en toute impunité, un nombre croissant d’internautes, notamment la jeunesse.
Nous avons interpellé le gouvernement français en demandant s’il n’était pas possible de légiférer au niveau mondial pour stigmatiser et mettre hors d’état de nuire ces foyers de pollution mentale.
L’ONU ne pourrait-elle pas exiger des états qu’ils fassent de la prévention ?
C’est à mon avis, un sujet sur lequel il faudra réfléchir et intervenir conjointement.
Nous souhaitons que ces phénomènes se généralisent afin que ces jeunes, de plus en plus nombreux, qui se sentiront concernés, puissent eux-mêmes, s’adresser à l’ensemble de la jeunesse dans une langue qui ne soit pas de bois.
En France, la Commission Consultative des Droits de l’Homme vient d’attirer solennellement l’attention, dans son dernier rapport annuel, sur le ‘’spectaculaire quintuplement des violences antisémites’’ après le déclenchement de la deuxième intifada.
La magnifique réaction ferme des intellectuels arabes qui ont réclamé l’interdiction du congrès de Beyrouth qui prétendait réunir tout le négationnisme de la planète cher à Faurisson, entre autres. Rappelons que parmi les signataires il y a des Libanais, des Magrhébins, des Syriens mais aussi des Palestiniens.
Mairie de Bruxelles le 5 mai 2001