26 mai 2016

Appel National pour le 27 Mai

 


Après la journée de la déportation, le dernier dimanche d’avril et avant la commémoration de l’appel du 18 juin, acte fondateur de la Résistance Française, il est une date essentielle dont nous voulions voulons étendre la portée politique et symbolique au-delà de tous les clivages existants dans notre société : il s’agit du 27 mai, date anniversaire de la création du C.N.R. (Conseil National de la Résistance) et de l’unification de la Résistance.
Nous l’avons demandé depuis plus de 20 ans, aux côtés des anciens Résistants, non pas pour rajouter une commémoration mais pour que cette journée soit  l'occasion d'une réflexion sur les valeurs de la Résistance et celles portées par le programme du C.N.R.

‘’Résister Aujourd’hui’’ porte depuis des années la voix des résistants et celle des déportés et nous nous devons d’entendre et de transmettre ce qu’ils ont appris de leur résistance, ce qu’ils ont appris de l’enfer concentrationnaire, ce qu’ils ont appris des luttes et de la désobéissance civile car leurs voix viennent en écho,  aujourd’hui encore, en celles des combattants actuels, en celles des opprimés, en celles des prisonniers dans des geôles ou de systèmes où l’humain n’a plus sa place.
Evoquer le 27 mai, c’est donc parler du CNR et rappeler à tout le monde que c’est en pleine guerre que la Résistance a élaboré un programme ambitieux pour une nation solidaire ; réunis clandestinement autour de Jean Moulin, les représentants des 8 grands mouvements de la Résistance rédigeaient le programme des « Jours heureux » pour construire un modèle de société que beaucoup de nations nous envient encore à ce jour mais que certains essayent systématiquement de détricoter  car non conforme aux lois du marché .
N’oublions jamais que c’est aux résistants et aux membres du CNR que nous devons : la Sécurité sociale, la culture pour tous, le statut de la fonction publique, le droit de vote des femmes mais surtout la preuve qu’une société solidaire est possible ! De cette utopie née dans la clandestinité est née une période que nous connaissons toutes et tous sous le terme des « 30 glorieuses » !

Stéphane Hessel  disait en 2014 : «  Il y avait dans le programme du CNR l’affirmation d’une vision et cette vision est toujours valable aujourd’hui. Refuser le diktat du profit et de l’argent, s’indigner contre la coexistence d’une extrême pauvreté et d’une richesse arrogante, réaffirmer le besoin d’une presse vraiment indépendante, assurer la sécurité sociale sous toutes ces formes(….) Résister, c’est considérer qu’il y a des choses scandaleuses autour de nous. C’est refuser de se laisser aller à une situation qu’on pourrait accepter comme malheureusement définitive »
Et il disait aussi : « les valeurs de la Résistance, ce sont les valeurs de la République et de la Démocratie »
Ne laissons pas ces mots gravés sur nos frontons, enracinés  dans notre mémoire collective devenir des mots vidés de leurs promesses, ne nous laissons pas impressionnés par ceux et celles qui voudraient nous faire croire que le danger est partout et qu’au nom de la sécurité, nous devons accepter d’y perdre en droits fondamentaux.
La démocratie c’est l’équilibre des pouvoirs et quand les pouvoirs se concentrent de plus en plus dans les mains de l’exécutif il y a lieu de s’inquiéter. Nous ne savons pas ce que d’autres demain feront.
Résistons toutes et tous à cette tendance individualiste et consumériste, Résistons ensemble pour que la belle utopie des résistants de la libération survive aux intérêts individuels………..Nous voulons croire dans cette jeunesse qui se réveille et qui revendique un monde plus juste, plus généreux.
Les Nuits debout en sont un signe, signe que nos valeurs communes sont bien partagées et que l’Humain doit primer avant tout.

Terminons par cet appel d’Anatole France : «  Et il est temps citoyens, qu’on sente votre force, et que votre volonté, plus claire et plus belle, s’impose pour établir un peu de raison et d’équité dans un monde qui n’obéit plus qu’aux suggestions de l’égoïsme et de la peur »

  le 26 mai 2016
 Résister Aujourd’hui                                

21 mai 2016

Inauguration de la voie ''Esprit Garnerone'' Bouc bel Air (13)

 

Discours de Serge Vial , vice-président de « Résister Aujourd’hui »

 

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Chère Renée, son épouse,

Chère Monique,

Chers amis,

Mesdames et Messieurs,

 

Nous sommes certainement plusieurs ici, à avoir des modèles familiaux qui ont guidé nos actes et forgé notre esprit : nous nous devons aujourd’hui, ne jamais les oublier et continuer à les faire vivre pour dire à nos enfants et à nos petits enfants :

« Oui, tu vois, cet homme-là, ce n’était ni Superman, ni Dark Vador, c’était un homme ordinaire mais qui a su dire « non », quand l’Histoire lui imposait de dire «non» et qui n’a jamais douté que son choix était le bon car c’était celui de la liberté, Esprit Garnerone était de ces hommes.

 Il est né le 9 juin 1926 dans un hameau du fond de la vallée du Piémont, dans la province de Cuneo, au sein d'une famille de cinq enfants.

En 1930, il a 3 ans, sa famille émigre en France pour fuir le fascisme et s’installe à Ubaye, petite ville engloutie aujourd'hui sous le lac de Serre-Ponçon.

Son père Pierre, tailleur de pierre, travaille alors à la construction de la ligne de chemin de fer de Chorges à Barcelonnette, mais la grande crise de 1929 arrive en France, en 1933 : le chantier, bien que construit à 80% s’arrête et la famille déménage pour Bâtie-Neuve, dans les Hautes Alpes et c’est là qu’Esprit grandit.

Il a aimé ces quelques années passées au contact de la nature et n’a jamais oublié son instituteur, Monsieur Gras, fils de paysan sorti de l’Ecole normale. En 1943, il a 17 ans et il est obligé de partir avec son père sur Toulon et travailler pour l’organisation TODT, seul moyen pour eux d’éviter de devoir partir travailler au S.T.O. en Allemagne.

Il faut savoir que l’organisation TODT était une organisation allemande chargée de la réalisation d'un grand nombre de projets de construction, dans les domaines civil et militaire, tant en Allemagne que dans les pays d'Europe sous domination nazie, de la France à la Russie et qu’il s’agissait de travail obligatoire.

Peu de temps après leur arrivée, Esprit vit son premier bombardement et d’autres suivent quasiment tous les jours :

il réussit à convaincre son père de quitter Toulon pour aller sur Orange, où ils se font embaucher par une entreprise qui travaille, pour les allemands à une extension de l’aérodrome en pleine campagne. Ils y restent quelques mois jusqu’en juillet 1944.

C’est là qu’Esprit apprend que les Américains ont débarqué en Normandie et il convainc son père de fuir et de retourner à Bâtie-Neuve, ils prennent donc le train qui relie Orange à Nyons,  puis un car qui doit les ramener chez eux.

 En route, dans la vallée de Laigue, ils sont arrêtés par un contrôle de maquisards :

Esprit sait alors son chemin, ’il doit rester avec les combattants de l’ombre, les FTP. (Francs Tireurs et Partisans Français)

Après 15 jours d’instruction, il est affecté à un bataillon et participe à la libération de la Drome, puis se bat sur le front de la Maurienne fin Août 1944 puis se rend en Italie à Suze.

Il participe à l’occupation en Italie, puis remonte vers le Jura et est envoyé avec son régiment pour occuper Vienne en Autriche.

 En Octobre 1945, il est démobilisé et rentre chez lui avec une prime de 1 000 francs, un mois de permission et sa solde en poche. Maintes fois médaillé, puis naturalisé Français par la Patrie Reconnaissante en 1946, il est reconnu pour son courage, ses valeurs laïques et républicaines.

En 1946, à 20 ans, il quitte son petit village alpin avec ses parents pour s’installer à Marseille, à la Pointe-Rouge où il restera jusqu’en 1951.

Il garde un très bon souvenir de cette période : il était jeune et tout était à reconstruire.

Il adhère en 1949 au parti communiste par fidélité à ses camarades du maquis, milite activement, rentre à la C.G.T et découvre la condition des ouvriers dans le système capitaliste.

Quand Esprit raconte sa vie, il la découpe en 4 grandes périodes ;

d’abord l’école avec Mr Gras, puis la résistance, puis la vie militante et enfin, la rencontre avec Renée, sa femme, qui lui fit découvrir un monde plus tendre, fait de sensibilité et de culture :

ils auront ensemble, 4 filles dont il était si fier.

 Et quand il parle de ses amis de Port de Bouc et d’ailleurs, il en parle avec beaucoup d’affection car lui savait qu’au-delà de l’amitié, il y avait la fraternité, et il savait de quoi il parlait, car la fraternité, il l’avait incarnée pendant ses années de Résistance.

 Merci aux habitants de Bouc-Bel-Air et à leur municipalité, d’honorer sa mémoire et de permettre aux nouvelles générations de se rappeler que « Résister se conjugue au présent.» comme le disait Lucie Aubrac, grande figure de la Résistance française, membre de notre comité de parrainage.

 Au nom de notre association, Je voudrai dire à Esprit, à sa famille, à ses proches et à toutes celles et tous ceux  qui se sentent héritiers des valeurs de la Résistance que nous continuons et continuerons son combat pour favoriser le progrès humain face à l’indécence des puissances d’argent, pour prendre part à la construction d’une société plus juste, plus fraternelle à l'image de celle pour laquelle les Résistants et les Déportés se sont battus souvent jusqu'au sacrifice suprême.

Pour Catherine Piat, présidente de « Résister Aujourd’hui »

le vice-président, Serge VIAL