Face au totalitarisme islamiste, face à la résurgence de la violence d'extrême-droite, nous devons incarner le monde libre, celui qui croit en l'universalisme de certains principes.
Oui, le
crime commis à Quebec, dimanche soir, envers des musulmans réunis
tranquillement à la mosquée pour prier est un acte terroriste.
Oui, comme
tout acte terroriste, il est l'oeuvre d'une haine, souvent elle-même fruit de
la cristallisation de fantasmes nourris envers une communauté, un groupe.
Et si cet attentat
entre en résonance avec le "Muslim ban" de Donald Trump, c'est parce qu'il en
est le produit.
D'un côté de
la frontière nord-américaine, l'homme le plus puissant du monde interdit de
territoire des musulmans de 7 pays, afin de lutter contre le terrorisme. Or,
l'Arabie saoudite et l'Égypte, pourtant pas franchement neutres en la matière,
en sont exclues. Il semble donc que cette décision soit plus motivée par le
désir de flatter les bas instincts de ses électeurs que par un quelconque souci
d'efficacité. La mise en scène de cette décision et son application au mépris
du droit, témoigne du retour à une vision de la politique comme tribale et
archaïque, où le pouvoir s'exprime plus dans les caprices et la volonté de
puissance d'un individu, que comme une responsabilité qui vous dépasse, vous
engage mais aussi vous lie. En démocratie, le président est le garant des
institutions, pas celui qui acquiert le droit de les bafouer. Avec le "Muslim ban" et son comportement d'adolescent
incapable de supporter la moindre frustration, il a désigné une cible, non
l'islamisme radical comme idéologie, mais les musulmans en tant que personnes.
Ce faisant, il amène des personnes fragiles à se lâcher, car le fait de se
sentir soutenu en haut lieu, légitime les dérapages verbaux et provoque les
passages à l'acte. L'absence de tenue et le comportement régressif du dirigeant
de la première puissance mondiale montrent ce que le populisme au pouvoir
provoque : une vision reptilienne de la politique qui exacerbe les tensions et
justifie toutes les pulsions.
Sans compter
qu'aujourd'hui, les actes terroristes sont rarement commis par des étrangers
mais souvent par des personnes nées ou présentes dans le pays depuis des
années. Les auteurs de l'attentat contre le marathon de Boston en 2013, étaient
arrivés sur le territoire américain respectivement à 7 et 14 ans et y
résidaient légalement. Celui de l'attentat d'Orlando, dans la boîte de nuit
gay, était né à New-York...
De l'autre
côté de la frontière, un "nerd" (entendez une sorte d'asocial solitaire
nourri de théories farfelues) un peu plus paumé que les autres, dont les
modèles politiques étaient justement Donald Trump et Marine Le Pen, est passé à
l'acte et a tué. On saura peut-être un jour comment un citoyen plutôt ordinaire
décide d'aller commettre un massacre parmi d'autres citoyens ordinaires, tout
comme lui, dont les seuls crimes sont d'être musulmans.
C'est ainsi
que le puissant et le misérable, le Président et l'associal se retrouvent liés
dans la haine mais aussi dans l'imbécilité.
En quoi la
mesure prise par Trump freinera les ardeurs éventuelles de nombre de convertis
aux patronymes européens ou anglo-saxons, embrigadés par l'islamisme radical ?
Cette humiliation envers les ressortissants étrangers visés est
contre-productive et risque surtout d'accrocher une cible dans le dos des
citoyens américains...
En quoi
assassiner des musulmans permet de lutter contre le terrorisme islamiste? En
France, après les attentats que nous avons subis, les actes anti-musulmans ont
rapidement augmenté, mais heureusement, jamais ils n'ont atteint le degré
d'horreur qu'a connu Montréal dimanche dernier. D'ailleurs, si l'on en croit
les dernières statistiques, ils sont aujourd'hui en décrue. C'est donc plutôt
l'exceptionnelle tenue du peuple français qu'il faut saluer en la matière.
Mais si
demain, la fachosphère nourrissait la mauvaise idée de suivre l'exemple du
tueur canadien, elle ne ferait que servir les intérêts des officines
communautaristes comme le CCIF, l'UOIF ou le PIR. Drapées dans la lutte contre
l'"islamophobie", celles-ci n'ont de cesse, sous couvert de
dénonciations d'actes antimusulmans (ce qui est légitime), de faire taire toute
critique supposée de l'islam (ce qui ne l'est plus). Au prétexte que de tels
actes seraient la conséquence du racisme latent de nos sociétés, ils nient la
violence de leur propre idéologie, les massacres, les violences et les
affrontements que leur volonté de pouvoir et leur impérialisme déchaînent
partout dans le monde. Ils cherchent ainsi les causes du rejet dans la nature
même des sociétés qu'ils attaquent, plutôt que dans leur propre volonté
d'assimiler pratique de l'Islam et adhésion à une idéologie totalitaire
politico-religieuse. Par extension, la laïcité étant une loi raciste à leurs
yeux, elle est aussi désignée comme la source des violences antimusulmanes. La
boucle est ainsi bouclée: la laïcité stigmatise les musulmans, il faut donc
abolir cette loi.
L'attentat
contre la mosquée de Montréal nous démontre tout le contraire. Il a eu lieu aux
pays des "accommodements raisonnables", au sein d'une société qui a
accepté d'incessantes revendications séparatistes au nom de la religion et qui
a épousé le multiculturalisme au point de ne plus se définir que par une
tolérance qui confine à la négation de soi. Cette politique est à l'opposé de
la laïcité à la française. Et pourtant, elle n'a pas pu empêcher le drame
canadien. Voilà qui devrait donner à réfléchir aux idiots utiles de
l'islamisme!
Car en
réalité, terrorisme islamiste, terrorisme d'extrême-droite sont les deux faces
d'une même pièce: celle des identitaires. Des esprits étroits incapables de
penser le monde au-delà de leur personne, leur famille ou leur clan. Ceux-là
mêmes qui confondent identité et consanguinité, ceux qui séparant l'humanité en
deux: "eux et les autres" et aspirent à soumettre ou éradiquer cette
autre moitié.
La haine et
l'imbécilité n'ont pas de frontières ni géographiques, ni idéologiques. 6
personnes l'ont payé de leur vie, 5 luttent encore contre la mort, des familles
sont dévastées et toute une communauté se sent menacée. Et il y aura d'autres
drames et d'autres morts encore si nous ne tenons pas cette ligne de crête:
face au totalitarisme islamiste, face à la résurgence de la violence
d'extrême-droite, nous devons incarner le monde libre, celui qui croit en
l'universalisme de certains principes.
C'est en
cela que la laïcité n'est pas seulement une particularité française, mais un
outil formidable d'émancipation des hommes et de souveraineté du peuple.
Permettre à l'individu de pratiquer la religion de son choix, de croire, de ne
pas croire ou de changer de religion, c'est lui donner aussi les moyens de
sortir d'une assignation identitaire, voire d'une assignation sociale ou
sexuelle. Sans liberté de conscience, le droit à disposer de son corps, de
choisir son orientation sexuelle n'auraient jamais été acquis. Qu'il soit
islamiste ou d'extrême-droite, c'est aussi à ce patrimoine de conquêtes
sociales et culturelles que les tueurs s'attaquent.
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