Rassemblement du 2 avril 1995 à 10h. au Vieux Port à Marseille
(plus de 3000 personnes)
contre la venue de Le Pen à AIX en Provence
Allocution de Michel Vial, président des Cadets de la Résistance, au nom du Collectif ''Ibrahim Ali'' (52 associations, mouvements, syndicats et partis)
Chers amis anti-racistes,
Chers amis anti-fascistes,
Nous voila, encore une fois, plusieurs milliers rassemblés aujourd'hui, à l'appel de plus de 50 associations, syndicats, partis et mouvements de tous horizons politiques ou confessionnels, pour dire
NON au racisme, NON à la xénophobie, NON au fascisme, NON à Le Pen.
Nous voudrions, tout d'abord, pour la mémoire d'Ibrahim Ali et de toutes les victimes du fanatisme politique et religieux, vous demander, dans le plus profond recueillement
une minute de silence.
La dignité dont vous venez, encore une fois, et à l'instant, de faire preuve, ne mérite pas d'être souillée par les propos racistes et antidémocratiques de Le Pen et de son parti.
Nous n'acceptons pas que Le Pen, non content d'avoir incité au crime, par ses appels à l'exclusion, ose venir cracher sa haine de l'autre, aux portes de Marseille.
C'est de la provocation.
C'est de la défiance aux démocrates du pays des Droits de l'Homme.
Nous voulons, par notre présence, dire haut et fort notre colère et notre réprobation
contre le meeting que le Front National tient à AIX aujourd'hui.
Le Pen, Megret, et d'autres appellent quotidiennement à l'exclusion.
C'est à celui qui sera le champion de l'intolérance et cela créé le climat xénophobe et raciste
qui aboutit à l'assassinat d'Ibrahim,
mais aussi à celui du Marocain sortant de la mosquée à St Etienne,
et au tabassage de lycéens à Auch, et à combien de souffrances et d'humiliations.
50 ans après la capitulation nazie et le retour des camps de la mort, les crimes racistes,
la xénophobie et les idées d'extrême-droite restent une réalité.
On sème ainsi impunément la haine.
De la parole aux actes, le pas est vite franchi.
Le seul tort d'Ibrahim était d'être noir, donc différent et d'avoir croisé sur son chemin
trois disciples de Le Pen.
Nous aurions pu croire qu'il suffisait de montrer l'horreur
pour faire pencher l'Humanité vers la tolérance et la Démocratie.
Or, il n'en est rien.
Le chômage omniprésent et la misère grandissante aggravent les tensions.
L'exclusion raciste se nourrit de l'exclusion sociale.
Le Pen et le Front National, à l'aide de slogans populistes, profitant d'un libéralisme sauvage générateur d'exclusions, se font passer pour des sauveurs.
N'oublions jamais que c'est après la crise économique de 1929 que Hitler,
apparaissant comme le sauveur, soutenu par les puissances d'argent,
s'est fait élire avec 33% de voix.
La passivité des démocraties et des démocrates, dans les années trente ont permis
cette ascension de Mussolini, de Franco et de Hitler, alors que déjà, il aurait fallu résister.
Retenons les leçons de l'histoire et restons vigilants pour barrer la route au mépris,
au racisme et à la haine de l'autre.
Nous devons résister, dès aujourd'hui, en combattant Le Pen et l'idéologie décadente qu'il porte.
Dénonçons, dès aujourd'hui, les menaces qu'il représente pour la démocratie,
si par malheur ses idées devaient triompher.
N'oublions pas qu'avec moins de voix les néo-fascistes italiens ont accéder au pouvoir, récemment, dans l'indifférence quasi-générale.
Que Le Pen ne dise pas qu'il n'est pas raciste.
Il a été condamné, à de multiples reprises pour racisme et antisémitisme.
Que Le Pen ne dise pas qu'il n'est pas fasciste.
Il disait récemment à la Télé avoir de très bons rapports avec le M.S.I. Italien( parti mussolinien et néo-fasciste)
Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es.
Nous devons résister, mot à mot, aux arguments xénophobes du Front National,
ses idées constituent, en elles mêmes, un appel à la violence, au crime.
Les 3 millions d'immigrés que Le Pen voudrait renvoyer n'ont rien à voir
avec la situation économique et sociale grave que nous connaissons.
Les xénophobes du F.N. en profitent pour proposer des schémas simplistes,
accusant les immigrés et affirmant qu'il suffirait de les renvoyer pour solutionner la crise.
Ils n'hésitent plus à utiliser les moyens forts. Ils menacent, ils violentent, ils tuent.
Ils tiennent des propos diffamatoires, après l'assassinat d'Ibrahim.
Bruno Mégret, reconnaissant que le tueur était du Front National, déclarait :
" ils n'auraient pas été armés, le mort aurait été du côté du Front National."
Le Pen, le lendemain de la manifestation du 25 Février, parle "d'accident grave"
et ajoute qu'il s'agit d'un drame " d'auto-défense".
Récemment, sur France 2, il parlait "d'homicide par imprudence".
Les appels à l'exclusion et au racisme sont-ils faits par imprudence?
Le colleur d'affiche du F.N. avait-il une arme dans la poche par imprudence?
A-t-il tiré dans le dos d'Ibrahim, par imprudence
A la même émission, Le Pen dit que la France souffre d'un lourd déficit de Démocratie
car des démocrates, dont notre collectif, ont demandé la publication du noms des élus
qui parrainent sa candidature.
NON, le lourd déficit de la Démocratie, c'est que Le Pen puisse narguer depuis si longtemps les lois anti-racistes (les lois Gayssot).
Le lourd déficit de la Démocratie, c'est que nos institutions ne prévoient pas de sanctions exemplaires contre tous ceux qui tiennent des propos racistes et d'exclusion.
Le lourd déficit de la Démocratie, c'est que sous couvert de la Loi, on expulse les sans-logis, on matraque le Professeur Schwarzenberg tout en permettant, sous couvert de la loi,
à Le Pen d'appeler à l'exclusion.
Ce n'est pas par hasard si les militants du Droit au Logement et ceux des Comités de chômeurs
sont aujourd'hui à nos côtés.
Eux, ne se trompent pas de cible.
Le F.N. n'est pas un parti ordinaire, c'est un parti fondé sur le fascisme et le racisme
Admettre ce parti dans le jeu démocratique est en soi une offense à la démocratie,
aux autres partis politiques et au peuple de France dans toute sa diversité.
Le soutenir, c'est cautionner sa politique et ses crimes.
L'ignorer, c'est lui laisser la possibilité de survivre de se développer.
Jusqu'à quand la France devra-t-elle accepter ces attitudes de défiance,
de mépris de la loi et de la personne humaine?
Les citoyens touchés, à travers Ibrahim Ali,
ne se trouvent-ils pas en droit de poser la légitimité d'un tel parti?
Le pays des Droits de l'Homme peut-il longtemps encore supporter ces atteintes à la Démocratie
et à la loi?
Peut-il accorder de l'importance et donner de l'audience à un tel parti dont l'idéologie xénophobe et d'exclusion est passé du discours au crime?
Notre dignité, notre respect de la Démocratie, notre mobilisation et notre détermination nous ont permis de faire reculer Le Pen qui a renoncé à faire son meeting à Marseille
et s'est replié sur le Domaine de St Pons dans la campagne aixoise.
Nous ne pouvons nous arrêter en chemin.
Combattre résolument le Front National reste la seule voie possible pour tout démocrate,
quelle que soit son appartenance politique ou religieuse.
Chaque citoyen, chaque détenteur d'une parcelle de l'autorité de la Nation doit tout mettre en oeuvre pour barrer la route au racisme et au fascisme.
Le Collectif, qui s'est créé dès le lendemain de la manifestation du 25 février
n'entend pas en rester là.
Au delà de notre action après l'assassinat d'Ibrahim Ali, dont nous défendrons la mémoire,
notre lutte continuera avec un objectif clair :
Faire reculer et contrer l'idéologie raciste et fasciste
Soutenir tous ceux qui seraient, au nom de leur lutte anti-Le Pen, poursuivis ou agressés.
Nous appelons chaque représentant élu de la Nation, quel que soit son rang,
à refuser de cautionner ou soutenir toute candidature du F.N. à une élection.
Nous appelons chaque candidat à l'élection présidentielle
à nous faire part de sa position sur la légitimité du F.N. et ce qu'il fera, quand il sera élu,
pour que ce parti, et les idées qu'il porte, soit dissous et interdits.
Quand on sait, qu'en Allemagne deux mouvements néo-fascistes viennent d'être interdits.
Pourquoi pas en France, pays des Droits de l'Homme?
Nous appelons chaque citoyen à n'accorder aucune légitimité au F.N.
en lui refusant tout bulletin de vote.
Nous appelons tous les Démocrates à resserrer leurs rangs pour que le F.N. n'ait aucun droit de cité, pour que partout où il se manifeste, un large Front de refus du fascisme s'organise.
Nous avons besoin du soutien actif de chaque démocrate.
Nous avons besoin du soutien actif de la jeunesse, première victime du chômage,
première victime de l'intolérance.
Nous appelons les 51 organisations et toutes celles qui voudraient nous rejoindre à constituer, dès à présent
un large front antifasciste
afin de conjuguer nos efforts, nos actions et exercer une pression sur nos dirigeants
pour que des mesures et des lois soient votées pour que, plus jamais,
de telles idéologies ne se développent et triomphent en France.
Quand ils nous sentent affaiblis et divisés, ils se sentent les mains libres.
Dès que nous sommes unis, ils reculent.
Nous sommes rassemblés, ici, pour les démentir et pour lancer un avertissement.
Notre mobilisation massive et unie est notre seule garantie contre les jusqu'au-boutistes du Front National.
Restons unis et la fraternité et la solidarité entre les hommes triompheront,
restons unis et le fascisme ne passera pas.
Marseille le 2 avril 1995
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