21 novembre 1998

Intervention Michel Vial ( forum 50ème DUDH )

 Maison méditerranéenne des sciences de l'Homme Aix en Provence

 Nous venons d’apprendre que Lucie AUBRAC a été victime d’un malaise cardiaque. Elle est rentrée à son domicile, demeure sous contrôle médical mais ces jours ne sont pas en danger.

Nous étions heureux de recevoir cette grande dame de la Résistance qui fût co-fondatrice, en 1940, du mouvement de résistance Libération Sud, puis déléguée de la Résistance intérieure à l’Assemblée consultative à Alger puis à Paris.

Elle est aujourd’hui vice présidente du Comité d’Action de la Résistance et de la Fondation de la Résistance.

Elle m’a chargé de vous dire combien elle regrettait de ne pas être à nos côtés aujourd’hui et m’a demandé de la représenter.

Je tiens d’abord à remercier, en son nom, la municipalité d’Aix en Provence d’avoir retenu qu’une place de notre ville, inaugurée ce matin rappelle la déclaration universelle des Droits de l’Homme. Cela est d’autant plus significatif au moment où les élus FN de Vitrolles débaptisent les rues Marcel Paul ou Nelson Mandela, défenseurs des droits de l’Homme.

Que cette esplanade des Droits de l’Homme rappelle aux Aixois et à ceux qui passeront à Aix que ces Droits sont le bien le plus précieux à défendre pour l’Humanité.

 Je salue, en son nom, les anciens Déportés et anciens Résistants, ici présents, dont la richesse de la Mémoire vécue doit être, pour nous, une référence indispensable pour la défense des Droits de l’Homme aujourd’hui.

Je salue également tous les citoyens qui, trop jeunes n’ont pas connu cette période mais qui savent bien la part déterminante prise par la Résistance.

Ils s’aperçoivent que 54 ans après ces Droits sont aussi bafoués dans les pays développés comme dans les pays du Sud. Le Chili, le Rwanda, l’Algérie, la Bosnie, le Kosovo, la Colombie, le Kurdistan, la Malaisie, etc... etc....

En France même, en 1995, sept personnes ont été assassinées comme Ibrahim Ali à Marseille à cause de la couleur de leur peau par des nostalgiques de la race Aryenne.

Autant de noms qui résonnent dans nos mémoires et nous rappellent à la vigilance.

Les droits de l’Homme sont universels. C’est cette universalité que nous célébrons ce mois-ci en pensant à tous les opprimés et victimes appartenant à la famille humaine. Et les détracteurs de nos actions se trompent de cible. Qu’ils y réfléchissent.

 En 1933, René Cassin, un des principaux rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme alertait déjà l’opinion sur les dangers que faisait courir au monde l’idéologie nazie.

Malheureusement, le nazisme a sévi avec son cortège de souffrances et de morts.

Après tant de souffrance et de larmes, les anciens Résistants et Déportés avaient fait le serment de ne plus jamais le laisser renaître.

Hélas, le sang sèche vite en rentrant dans l’histoire?

 A 86 ans,  Lucie AUBRAC, comme beaucoup d’anciens Résistants ou Déportés, combat toujours en consacrant ce qui lui reste de forces, à témoigner auprès des nouvelles générations, notamment dans les écoles, ce que fût la lutte de ses compagnons pour la défense de la dignité humaine, les sacrifices consentis, les souffrances endurées par ceux qui moururent de mort lente dans les bagnes nazis.

 Lucie Aubrac informe aussi la jeunesse sur le danger mortel que court les Démocraties devant la montée d’idéologies criminelles, véhiculées par des nostalgiques de Hitler et de Pétain.

Leur programme a la même odeur de haine, de racisme, de xénophobie que celui du parti national socialiste dans les années trente.

Leur  chantre n’hésite pas à banaliser toutes les horreurs perpétrées outre Rhin, à qualifier de détails les chambres à gaz.

Par ailleurs, de nombreux négationistes visent par leurs déclarations et leurs livres à dénaturer et à salir l’esprit et les valeurs de la Résistance, créant ainsi un terrain favorable à la résurgence des idéologies que nos aines ont combattues.

Il faut que la jeunesse sache comment, dans les années trente, en Allemagne, des partis traditionnels se sont unis au parti national-socialiste avant que Hitler les interdise.

Comme nous le voyons, la lutte pour la défense des Droits de l’Homme est toujours de rigueur, aujourd’hui comme hier.

Les Résistants et leurs héritiers se sentent le devoir d’alerter, de prévenir du danger présent, les générations de demain; leur dire combien fut dure et cruelle la lutte pour redonner  aux démocraties la liberté. Cette liberté, ces Droits de l’Homme ne sont  jamais définitivement acquis et il faut, à tout instant, les défendre.

 Je citerai René Cassin : «  Si les générations qui suivent la notre ne comprennent pas l’héritage, ne veulent pas prendre la suite de nos efforts, si elles oublient, alors ce sera tragique ».

 Paul Eluard écrivait  « Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons »

 Bientôt la voix des derniers témoins tels que Lucie Aubrac faiblira.

Restons dignes de leur lutte, de leur enseignement aux côtés de tous les défenseurs des Droits de l’Homme sur les cinq continents.

 Michel Vial Aix en Provence le 9 décembre 1998

 

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